DE DOMAINES À DIALOGUE DE L'OMBRE DOUBLE
La technique du work in progress
De Domaines à Dialogue de l’ombre double, le langage de Pierre Boulez évolue comme un grand vin, qui, d’énergique mais austère dans sa jeunesse devient avec la maturité plus aimable, prends de l’ampleur, dégage ses parfums, se fait plus volubile, séduisant et accessible tout en conservant une rare pureté.
Domaines est entré, en Europe du moins, dans le répertoire de la clarinette au même titre que le Concerto de Mozart ou la Rhapsodie de Debussy. C’est une œuvre virtuose aux exigences techniques considérables. Comme le Solo de Stockhausen, c’est une œuvre ouverte bien que de façon très différente. Concerto pour clarinette sans en être un puisque le soliste n’y joue pratiquement jamais avec l’ensemble instrumental, Domaines peut être joué avec 21 musiciens ou, comme c’est habituellement le cas, comme une œuvre soliste.
Dialogue de l’ombre double n’est pas la réécriture de Domaines, longtemps promise par Boulez. Work in progress, absolument, mais aussi, œuvre entièrement nouvelle, issue des six structures du premier cahier Original de Domaines. Écrite à l’IRCAM, elle a recours à une technique sophistiquée de spatialisation. Œuvre séduisante aussi, peut-être la plus populaire de son auteur, qui y a recours, en apparence, à la technique de la citation. En effet, Boulez y reprendrait des thèmes de Stockhausen et de Berio. Doit-on y voir un Boulez post-moderne ?